mercredi 2 juillet 2008


Le syndicaliste Adnane Hajji, parole du mouvement minier, a été interpellé une première fois cette année à son retour d’une réunion du comité national de soutien aux travailleurs du bassin minier qui s’est déroulée à Tunis le 7 avril.

Adnane Hajji s’était fait connaître par la solidarité qu’il a apportée aux diplômés chômeurs de la région dans le mouvement qui a suivi l’annonce de résultats manipulés d’un concours de recrutement ouvert par la société de phosphates, et ce, au profit des proches de quelque notables locaux. Parce qu’il avait dénoncé l’implication des cadres syndicaux régionaux dans la manipulation, l’UGTT a gelé son statut syndical et il a été convoqué devant le conseil de discipline.

Adnane Hajji était secrétaire général du syndicat de l’enseignement de base dans la région. Le 23 juin dernier, il a été arrêté à nouveau et déféré devant le juge d’instruction du Tribunal de Première Instance de Gafsa, puis écroué à la prison de Kasserine. Le 30, il devait être interrogé à nouveau par le juge d’instruction mais son interrogatoire a été reporté sine die.

Brève rencontre aujourd’hui avec Jomaa Hajji :

* Quel est votre sentiment depuis l’arrestation de votre mari ?

De façon générale, je suis honorée d’être la femme d’un homme comme lui : d’un syndicaliste qui a toujours mis l’intérêt général avant ses intérêts propres, au point d’y laisser sa santé, qui n’a jamais cherché son profit personnel. C’est rare de rencontrer des personnes comme lui : il est convaincu, principiel, humain. Il fait passer l’humain avant tout;

* Et vous-même, où vous situez-vous ?

Moi ? Je ne travaille pas, j’ai tenté de travailler mais cela a été impossible, on m’en a empêchée, parce que j’étais la femme d’Adnane Hajji ! Par ailleurs, je suis malade, avec un traitement lourd.

* Avant sa dernière arrestation, avez-vous senti monter les menaces ?

Oui, d’abord il a été gelé du syndicat en janvier 2008. Ensuite, il a voulu aller à Tunis, mais il n’a pas dépassé Kairouan. Il était à bord d’un louage. La police l’a obligé à faire demi-tour, pourtant la circulation est un droit de tout citoyen tunisien. Et il n’a rien fait, rien de répréhensible. Il est simplement connu et apprécié de tous.

* Comment se passent les visites en prison ?

Je ne l’ai vu qu’une fois, j’ai droit aux visites une fois par semaine. Tout d’abord, il a fallu le trouver. Je lui a apporté ses médicaments au poste de police. On m’a renvoyée en me disant qu’il n’y était pas. Même chose pour la prison : pendant trois jours, j’ai fait des allers et retours entre les prisons de Kasserine et de Gafsa, chacune des deux administrations me disant qu’il était dans l’autre prison. Finalement je l’ai trouvé à Kasserine.

* Comment s’est passée la visite ?

Le trajet est très long et coûteux, plus ou moins 140 kilomètres, je m’y suis rendue avec notre fille, qui a dix huit ans, pour… cinq minutes ! Le temps d’une visite ! je lui ai parlé par téléphone. Pourquoi n’est-il pas à la prison de Gafsa, ce serait plus proche de chez nous.

* Comment va-t-il ?

Je l’ai trouvé fatigué. Pendant sa garde à vue il est resté vingt sept heures assis sur une chaise. Ils l’ont privé de sommeil, tout cela pour l’obliger à signer des aveux ! Tout ce dont on l’accuse, ce sont les BOP * qui l’ont fait !

* Une campagne internationale est en train de se mettre en place pour exiger sa libération…

Ici à Redeyef, on ne peut plus rien faire; vous savez, l’armée à pris place. Il y a eu de nouvelles arrestations hier : Béchir Laabidi, un syndicaliste qui a été arrêté avec son fils, qui a vingt deux ans qui est malade. Et pourtant il a été frappé et arrêté, et d’autres syndicalistes ont été arrêtés, comme Tarek Hlaïmi. Ils rentrent dans les maisons, sans autre formalité, et procèdent à des arrestations en série. Cependant, la résistance continue, j’ai entendu dire qu’à la prison de Gafsa, les personnes du bassin minier sont en grève de la faim depuis samedi pour leur libération. Je remercie toutes les personnes qui se sont mobilisées pour nous. Il faut continuer pour que mon mari soit libéré, pour qu’il soient tous libérés. Ce que nous vivons est une injustice.

* BOP : Brigade d’ordre public

Propos recueillis par Luiza Toscane le 2 juillet 2008
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